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La pression du diplômé par Stéphane Corriveau

J’ai pu observer dans les dernières années que ça semble parfois très ardu d’être un diplômé universitaire de nos jours. Dans la vie typique d’un étudiant universitaire, en faisant abstraction du baccalauréat, de la maîtrise et du doctorat, aura passé 6 ans au primaire, 5 ans au secondaire et 2 à 3 ans au CÉGEP, pour un minimum 14 années assis sur les bancs d’école et ce dans le scénario le plus facile, soit sans pause-voyage de 18 mois à sac à dos au BC.

 

Durant ce long cycle scolaire, le diplômé aura le temps de rêver à ce qu’il veut faire dans la vie, prendra les bons cours, rencontrera les bonnes personnes pour l’orienter dans ses choix. Il se voit en poste de direction peu de temps après sa sortie des classes avec un salaire intéressant qui lui permettra de travailler en tailleur-talons hauts ou en veston-cravate. Il aura un boss vraiment cool, un vrai mentor qui va lui montrer la voie vers sa propre relève, être aussitôt «one of the boys» dans son équipe de travail, mais surtout, être heureux.

 

La réalité en est parfois fort différente. Le salaire tire vers le minimum donc, le veston-cravate et le foulard Burberry se feront longuement attendre… L’équipe de travail parle beaucoup plus de chambre de bain à rénover et de cours de spinning que du nouveau projet de travail qui lui tiendra à coeur. Le boss n’est pas si  cool  parce qu’il est complètement dépassé, voir même blazé par son travail et finalement, on se rendre compte que ce n’est pas pantoute comme ça qu’on voyait notre travail et on se dit que: « ouin, j’aimais mieux travailler à la librairie où j’étais durant mes études ». On se remet en question, on devient désillusionné, mais bon, on se dit «J’ai un diplôme, je dois continuer là-dedans…». Et c’est ainsi que plusieurs personnes passent par des épisodes de dépression en sortant de leurs études.

 

Un diplôme n’est pas gage de bonheur

 

Maintenant, pour vous parler de moi. Je viens d’Amos, Abitibi. Mon père avait une 5e année bien sonné et ma mère, une 7e. Un standard pour l’époque très rurale des années 40.

 

Ma mère a toujours valorisé l’instruction qu’elle aurait tant aimé recevoir. Alors que nous savions à peine lire, elle nous amenait, ma soeur et moi, à la bibliothèque pour prendre le maximum de livre possible. Mon père lui, avait quitter l’école vers 12 ans pour monter au chantier de bûcheron près de son village de Saint-Dominique-du-Rosaire. Mais mon père aurait toujours voulu être professeur ou cinéaste… Il rêvait d’enseigner la géographie devant une classe. Mon père m’a beaucoup enseigné le sens du travail et la curiosité. J’étais souvent couchée sur lui sur le sofa du salon à écouter  Au Royaume des Animaux de la Mutuelle d’Omaha,  qui était à l’époque l’équivalent de ce que « National Geographic » est aujourd’hui. Il adorait l’Histoire et la Géographie.

 

Pour ma mère, l’obtention d’un diplôme, ne serait-ce que celui du secondaire, était une priorité. Elle aurait tellement voulu continuer d’aller à l’école étant jeune, mais, comme plus vieille d’une famille plutôt pauvre, elle a dû commencer à travailler vers 13 ans à faire le ménage dans des maisons privées en ville. Ensuite, elle a rencontré mon père à 17… 42 ans de mariage. Vous comprendrez que pour ma mère, l’instruction était une priorité afin de ne pas avoir à trimer dur comme elle a dû le faire. Ma mère se valorisait par son rôle de mère. Mon père lui, se réalisait par le travail manuel.

 

Ma soeur fut la première à quitter la maison pour poursuivre ses études. CÉGEP d’Amos 2 ans et ensuite, elle a quitté pour la ville, la grande cette fois-ci pour poursuivre ses études en criminologie. Rendu à mon tour, j’ai pris le même chemin. CÉGEP d’Amos, Sciences Impures. Mon manque flagrant de discipline à cette époque, mais surtout, le manque d’un objectif concret de vie a fait en sorte que j’ai passé 3 sessions au CÉGEP, les automnes 1996,1997 et 1998. Résultats, 3 cours de passé. Éducation Physique 1, Philosophie 1, Sociologie 1.

 

À toutes les rentrées scolaires, je me disais que cette fois-ci, c’était la bonne. « Bon, je me prends en main » comme pouvaient en témoigner les 4 premières pages de mes cahiers de notes. Mon écriture du dimanche. Page 5-10, les dessins dans la marge commencent à apparaitre. Page 10 à 20, je saute des pages, les dessins occupent le plein verso des pages de mon cahier pour ensuite revenir à la page 21 avec ma plus belle écriture… je venais de me reprendre en main… jusqu’à la page 25. Repeat.

 

J’ai donc décidé de quitter Amos pour voir le monde ailleurs

 

Drummondville. Ma soeur pouvait m’y héberger puisqu’elle y habitait et je me rapprochais versus l’Abitibi, de mes amis qui étaient maintenant tous à Québec et à Montréal. J’ai commencé un DEP en vente-conseil à Saint-Hyacinthe (Oui, Drummondville-Saint-Hyacinthe, soir et matin, mais quand on vient d’Abitibi, tout est proche.) Après 8 mois de cours et de stage, j’ai commencé à travailler chez Drummondville Nissan, vendre des voitures… ouin. J’ai fait ça pour 2 mois pour ensuite appliquer chez Bell en 2000. J’ai commencé à y travailler au plus bas échelon possible. Caissier. Après un mois, j’ai été « promu » à représentant. Après 2 mois, j’étais le meilleur représentant du magasin. Après 6 mois, du territoire. Après 1 ans, du Québec. Après 3 ans, du Canada. On m’a ensuite demandé de devenir coach pour former les représentants sur l’attitude et les comportements à adopter face aux clients. J’ai finalement été promu directeur régional des opérations, poste que je fais encore. J’avais trouvé ma voie! C’était facile pour moi et ça me permettrait de voyager et de pouvoir me payer des guitares, aller voir des shows et avoir beaucoup de vacances. C’était ça qui me motivait.

Je me souviens de Bob. Bob était mon patron en magasin. Je venais d’avoir le poste qui allait changer ma carrière: Un Poste de coaching en vente. Quand j’ai eu la job, la première chose que Bob a fait c’est me dire:

​

« Une chance que je n’ai pas appliqué sur le poste! »

-Ok, et pourquoi?

« Ben Stéph, j’ai un Bacc! »

-Mais un Bacc en sexologie…

 

Aujourd’hui, Bob fait encore la même chose et moi je suis 1 échelon au-dessus.

 

En 2004, j’ai fait mon adhésion à l’Université du Québec à Montréal en philosophie. J’ai été accepté. J’ai beaucoup aimé cette expérience que je n’ai jamais terminée par contre… pourquoi? Voir la même raison que celle du CÉGEP décrit plus haut. C’est à ce moment que je me suis rendu compte que l’école n’était pas pour moi et que je devais accepter le fait que je suis autodidacte. Je suis musicien et je ne connais aucune note, et je pense être en mesure de battre 80% (j’avance des chiffres) de la population à McQuiz.

 

La raison pourquoi je ne voyais pas la valeur d’aller à l’école est simple, je n’apprenais rien de concret, rien qui vient me chercher, sauf la musique, la géographie et l’histoire. Mon secondaire 5 était ma note de passage pour passer à une autre étape de ma vie.

 

J’ai ensuite vu au fil des ans plusieurs amis et plusieurs proches, au bacc ou à la maîtrise, finir comme serveur, brasseur, représentant, auteur, libraire. J’ai aussi vu des gens commencer 4 bacc et n’en finir aucun. Des gens qui ont 35 ans et sont toujours à l’école,  non pas au postdoctorat, mais simplement au bacc parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils veulent faire et on la peur de se jeter dans le marché du travail.

 

L’obtention d’un diplôme n’est pas gage de succès, n’est pas gage de bonheur.

 

Deux choses:

-Faites ce que vous aimez et faites ce qui vous permet de faire ce que vous aimez.

-Je vais toujours valoriser l’obtention d’un diplôme bien entendu. Par contre, si vous  n’en avez pas, ce n’est pas la fin du monde. Faites ce que vous aimez ou faites ce qui vous permet de faire ce que vous aimez. Un diplôme n’égal logiquement pas le bonheur, pas plus qu’un diplôme est un gage d’intelligence.

 

Soyez heureux et soyez curieux.

​

Stéph

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